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recueil de Nouvelles, Novellas, Poèmes, Contes, Fables, Sonnets et... Poésies

COURREBISE

                                                 

Parce que la faim lui tiraillait le ventre, Brandon ouvrit les yeux. Il aperçut, par la porte ouverte du cabanon sa mère qui cognait dur contre un billot de bois. Il bâilla et, aveuglé par le soleil et la poussière, il se mit à hurler.

Clara cracha dans ses mains et se fendit d’une moue d’incompréhension. Elle jeta sa hache qui alla s’encastrer sous le plancher d’une vielle Toyota rouillée. Envahie par une nuée de mouches à merde, elle servait de niche à Tata Maya. On entendit quelqu’un gueuler dans le vent. Elle arma la .22 Long Rifle et tira deux cartouches. Tata Maya aboya, renversa sa gamelle de flotte et continua de trainer sa chaine sur le sol. Clara lui intima un « ta gueule » tonitruant, pas piqué de hannetons.

Un silence total se fit lui rappelant des temps de plénitude.

Lasse, elle entra dans le cabanon où l’attendait impatiemment le rejeton qui venait de naître.

 

 

                                                                       *

 

 

Quelques boisements morcelés s'intercalent sur un sol limoneux à Courrebise. Ce lieu à l’aspect d’un parc ornemental. Des pins pignons sont adossés à de vieilles et basses demeures, transformées de nos jours en cabanon de vigne. D'étroites futaies croissent-là paisiblement, entrecoupées de failles torrentielles anciennes. De façon aléatoire, quelques reliefs à sol calcaire portent des garrigues de chênes verts et des petits bois de frênes et d'aulnes, en bordure de friches. En lisière de maigres cours d’eau, quelques parcelles bordées par des haies de cyprès courbés par la tramontane ou le mistral sont sources de convoitises et de conflits entre les autochtones. Là où, des bornes de pierre délimitant ces portions de terre, se déplacent régulièrement la nuit comme par enchantement !

Taillis, feuillus, bartas, chênes rouvres et pubescents complètent ce paysage de plaine, terroir de vignes à perte de vue.

C’est en ce lieu au demeurant austère, où ces vents secs du Sud balayent la terre blanche que les deux gardes municipaux dépêchés par le maire avançaient difficilement sur un chemin de traverse à bord de leur camionnette. Juste après avoir dépassé l’accès aux escoubilles, ils furent projetés dans la poussière de la lande par les prémices d’un épisode cévenol. Des rafales bruyantes secouaient dangereusement les pibouls et les herbes hautes. Même les yeuses étaient poussées à de savantes génuflexions. Quelques roseaux efflanqués ployaient mais ne rompaient pas. Dans le Tarn voisin, la bise devait souffler fort. Les rangs de vignes s’inclinaient aussi sous les charges violentes dans leurs uniformes d’automne colorés mais les gardes entendirent quand même, les cris du bébé et les aboiements du chien. À leur arrivée, ils se garèrent devant le cabanon dans une constellation d’escarbilles. Une peau de sanglier sanguinolente finissait de s’écouler au pied de la bille de bois contre laquelle Clara venait juste de s’échiner. Les chevaux et une meute de petits chiots se chargèrent de leur faire un accueil digne.

 

                                                                       *

 

La secrétaire de mairie confirma qu’ils étaient bien partis tous les deux pour Courrebise, sur les coups de quatre heures. De l’après-midi précisa-t-elle, afin d’épicer un peu sa narration. Porteurs du procès-verbal du conseil municipal, qui mentionnait l’interdiction de construire un chalet sans autorisation, à côté du Mazet[1].

Mais, qu’on n’avait pas vus revenir ! Ni de surcroît, retrouvé le véhicule ! Alors ça, c’est le plus fantastique rajouta-t-elle aussi sommairement.

Aussitôt après la disparition inquiétante des gardes, le maire étant en vacances aux caraïbes, le premier adjoint fut chargé de faciliter les recherches aux gendarmes quand deux policiers débarquèrent quatre jours plus tard. Lors de sa déposition, il confirma que : la mairie avait mis le paquet d’entrée pour retrouver ses gardes.

L’intervention de l’adjoint s’expliquait d’autant plus qu’il connaissait bien les lieux, résidant à proximité du dit cabanon « problématique ».

 

                                                                       *

 

L’inspecteur divisionnaire suivait l’imposant Toyota Hilux 4x4 pickup. Après lui avoir fait contempler l’immense plaine viticole depuis la terrasse de la mairie, le premier adjoint avait emprunté les petites rues étroites de la circulade où il fallait rentrer les rétroviseurs pour passer. Traverser le village jusqu’à la cave coopérative et continuer ensuite sur une route droite qui s’élevait en pente douce vers un petit plateau bordé de part et d’autre, de champs de vignes et de tamaris. Pour s’engager enfin sur un chemin caillouteux. Le véhicule de l’inspecteur fut littéralement noyé par la poussière soulevée par le véhicule qu’il suivait et qui roulait à belle allure.

Grâce aux pylônes de la ligne à très haute tension qui surgissait par intermittence dans le brouillard des essuies glaces, madame l’inspecteur divisionnaire put se repérer un peu, ayant pris la précaution de visualiser les lieux sur Maps durant son voyage en TGV au départ de Paris.

C’est beau la ruralité, hein Jamel cria-t-elle au brigadier qui l’accompagnait dans l’habitacle étanche à la moindre vision ?

On se croirait au Dakar, m’dame.

Bon, il est où l’adjoint ?

ATTENTION M’DAME, cria subitement son adjoint.

Les feux rouges de l’énorme 4x4 venaient de piler devant une petite bâtisse en bordure d’un talus faisant fuir deux geckos occupés jusque-là à se disputailler un bout de mur de pierre sèche.

 

                                                                       *

 

Les deux femmes se jaugèrent à l’arrivée des autos, dans la poussière et les aboiements des chiens. La brune, en tailleur serré bleu marine et chemisier rose, bien proprette et l’autre beaucoup plus jeune qui prit son temps pour sortir du cabanon. Une blonde échevelée, en pantalon de cavalière de cuir brun, chemise de trappeur à carreaux et bottes à éperon. Il ne manquait plus que la musique d’Ennio Morricone.

Bonjour. Vous êtes Clara ?

Oui… oui, répondit-elle, ayant marqué un temps.

Je suis l’inspecteur divisionnaire Julie Escande et je suis en charge de l’enquête sur la disparition des deux agents de la commune. Voici mon adjoint, le brigadier stagiaire Jamel Khalil.

Clara acquiesça par un hochement de tête. Ils devaient avoir le même âge !

Vous êtes semble-t-il la dernière personne à les avoir vu ici ! Racontez-moi comment cela s’est-il passé !

Dans son enclos, Ulysse se mit à hennir et Tata Maya lui répondit en aboyant. Clara se retourna, s’avança et sourit.

Comme je l’ai déjà dit aux gendarmes, ils se sont présentés avec un papier qui me signifiait que je n’avais pas le droit de construire un chalet à côté de mon cabanon. On va pas en faire un fromage !

Vous avez l’air de prendre cela à la légère. Et ensuite ?

Ça va ou quoi, je ne prends du tout ça à la légère comme vous le dites Madame, ça va m’obliger à passer l’hiver dehors, leur histoire. Si vous croyez que ça m’amuse avec mon pèque. Ils sont repartis comme ils étaient venus en me laissant ce papier qu’elle montra à la policière.

C’est tout, dit l’inspectrice en saisissant le document ?

Il faut la coffrer, elle ment comme une arracheuse de dents marmonna le premier adjoint à l’attention du jeune brigadier de police resté planté là comme le drapeau aux cinquante étoiles qui flottait au milieu de la prairie.

Oui, c’est tout, madame. Je suis désolée mais c’est la vérité. Il s’est rien passé d’autre. Ils se sont escampés sans nous embrouiller. J’allais pas les garder à manger tout de même.

Et les coups de feu que vous avez tirés, c’était pour quoi faire, intervint l’adjoint au maire avec autorité ?

Les coups de feu ? C’était pour faire taire Tata Maya. Ça la terrorise les coups de feu. Si vous voulez, je peux vous faire une démonstration là maintenant. Et comment vous le savez, vous, pour les coups de feu ? Vous étiez là, vous dit-elle alors que les aboiements redoublaient d’intensité ?

C’est moi qui pose les questions ici, dit la flic.

Mademoiselle, vous vivez ici ?

Ben oui ! Où voulez-vous que je vive ?

Et vous vivez seule ?

Ben non ! J’ai mon petiot comme je vous l’ai dit et mon copain.

Et ils ne sont pas ici ?

Ah ! Si, si madame. Jean-Aime cria-t-elle, y a l’inspectrice qui veut voir ta binette !

Un quinquagénaire barbu, hirsute et coiffé d’un Stetson, apparut dans l’entrebâillement d’un rideau sale qui pendait à la porte. Il avait l’air d’avoir la ruque[2] mais en même temps, il se dégageait de sa personnalité, la bonhomie d’un homme protée. Il tenait dans ses bras des linges qui laissaient à penser qu’il s’agissait d’un bébé emmailloté car il avait un biberon dans sa main gauche. Sergio Léone se serait apprêté à dire « coupez » quand Clara annonça fièrement :

            Voilà mes hommes !

Qu’avez-vous fait des deux gardes cria l’adjoint impatient en direction de la porte ?

Les deux enquêteurs furent surpris de la nouvelle intervention de l’élu mais encore plus de la réponse du compagnon de Clara.

Il nous les brise, çui-là ! Tu le sais bien, encatané ! dit Jean-Aime, de sa voix de vieille canaille. Un barbecue !

Et Clara pouffa.

 

                                                                       *

 

Comme on l’a vu, Courrebise se situe sur une zone géographique dense à l’Ouest lointain. Les mauvaises langues disent « Au Far Ouest ». Entre les Barratiers, Poujean et le Mas de Mory se trouve tissée telle une toile d’araignée, un enchevêtrement de routes, de chemins, de sentiers que l’on appelle ici communément « les traverses ». Chemins ruraux, voies communales, pistes forestières privées ou publiques s’entrecoupent, se croisent, se mélangent, se confondent même, formant au final un maillage d’accès assez cohérent pour celui qui connaît. Car s’aventurer dans ce labyrinthe sans prendre garde, (sans jeu de mots !) peut s’avérer compliqué. On arrive toutefois à dénouer ce puzzle si on utilise le repère aérien de la ligne électrique THT, reliant le Vaucluse au Bordelais en guise de « boussole.» Les locaux l’empruntent pour leurs déplacements « à risques ». En clair, quand on ne veut pas rencontrer de gendarmes sur la route, pour une raison ou pour une autre, « On prend les traverses de vignes, sous la ligne » et : « passez muscade[3]». De l’hébreu pour un flic parisien.

Ce qu’avaient parfaitement comprit les indigènes qui de surcroit œuvraient pour des causes pas très catholiques en ce lieu.

 

                                                                       *

 

            Pour l’heure Jamel, ce qui est important, c’est de me convoquer les deux du cabanon. Car j’ai encore des questions à leur poser notamment sur leur port d’armes et surtout, sans la présence de l’adjoint… dit Madame Escande à son subordonné, et si vous pouviez enlever vos écouteurs quand je vous parle… Vous irez pendant ce temps courir à Courrebise si je puis dire, à la recherche d’indices pouvant nous aider à comprendre quelque chose à cet imbroglio.

            OK. M’dame pas de soucis. Je bosse mon code avec le casque, Madame.

En prêtant un peu l’oreille, on pouvait entendre le grésillement de Caroline de Solaar dans le casque du jeune policier qui prit un vélo pour se rendre au Mazet. L’endroit était désert. Un groupe électrogène fonctionnait à l’extérieur où régnait un fatras indescriptible comme si le coin était abandonné. Sous un soleil de plomb, carcasses de voitures éventrées, selles de chevaux, harnais, outils divers et variés jonchaient le sol créant un décor surréaliste. Des odeurs écœurantes d’encornets farcis attrapés et de fromages trop affinés aidèrent Jamel à pousser plus vite la porte du cabanon. Il flaira immédiatement une présence humaine et dégaina.

Police cria l’auxiliaire, jetez votre arme !

Les deux ados, tous les deux armés, se faisaient face et Jamel entendit une voix féminine : Ne tirez pas ! On se serait cru à la jetée Navy prise par les glaces, lorsque le temps se refroidit et que l’on doit à tout prix revenir à la civilisation.

La fille du garde cherchait son père dans le cabanon de Clara. Ou du moins des indices pouvant permettre de le retrouver. Tout comme Jamel. Ils n’eurent aucun mal à s’entendre une fois leur arme rengainée. À priori, il n’y avait rien à escompter de ce trou à rats.

 

                                                           *

 

À l’issue de leur première audition sur les lieux de la disparition des agents communaux, l’inspectrice divisionnaire bredouille, leur avait signifié vouloir les revoir dans un lieu plus calme.

La policière cadra l’entretien. Le fait de ne pas retrouver rapidement les deux agents posait des problèmes à la communauté locale qui attendait l’avancement de l’enquête avec une impatience certaine, excitée par les plus étranges rumeurs. Elle leur demanda de se montrer coopératifs sous peine d’être jetés en pâture à la vindicte populaire qui les attendait nerveusement au pied de la circulade. Clara remis les autorisations de ports d’armes. C’était déjà bon signe ! Et Jean-Aime déposa son chapeau à large bord sur le bureau. Un peu comme quand on dépose les armes.

Nous, Madame, on est pas venus ici pour avoir des histoires. Ni même en faire. Vivre de notre manège avec nos Appaloosas, organiser des rodéos et point barre. C’est tout ce qu’on veut dit Jean-Aime. Mais on sent bien qu’on gêne, c’est normal !

Ce n’est quand même pas banal cette histoire de gardes qui se volatilisent !

Moi, ça m’étonne pas !

Ah ! Et pourquoi ?

Jean Aime se tortilla un peu sur sa chaise. Clara toussa. Brandon babilla dans ses bras.

            Puisque vous parlez des gardes Madame, ils étaient déjà venus nous voir quelques jours avant de nous remettre le papier. Soi-disant du maire ! Des mecs sympas. On sentait bien qu’ils n’étaient pas venus que pour nous. Ils voulaient en savoir plus.

            Plus de quoi, Monsieur, demanda la policière perplexe ?

            Bah ! C’est difficile à dire. Suis pas un baveux moi, dit Jean-Aime en secouant nerveusement sa crinière sale. Langue de peille, si vous préférez, précisant la nuance.

Oui, oui, j’avais compris. Continuez, je vous prie dit l’inspectrice qui avait quelques attaches dans le Sud.

La nuit, Madame, nous, on dort pas ! On trouve que d’une part ça sert à rien, mais en plus, même qu’on voudrait, on pourrait pas…

Comment ça ?

Je vous l’ai déjà dit, on veut chercher des noises à personne. Parce qu’il a de la caillasse[4] le type. Et le bras long ! Vous avez vu sa bagnole ? C’est pas une trapanelle ! Ça coûte des tunes. Sans compter les vignes, la villa et tout le tsoin-tsoin. En plus, il se la pète. Jean-Aime reprit sa respiration.

L’a bien essayé de nous intimider au début ! Tous nos chiens y sont passés. On a même eu droit à un cheval mort sans raison du jour au lendemain. C’est pas des gros parleurs ces mecs-là vous savez Madame, même des taiseux. Des tronches comme dans la brute et le truand, vous voyez ? Des chasseurs à courre. Des garçons cow-boys. Sans les vaches ! Armés lourdement. Des buveurs de bière solitaires, laissant canettes et douilles un peu partout! Au gré des brouilles ! Ces hommes de main travaillent sur ses vignes à lui. A perte de vue !

Mais de qui, de quoi parlez-vous à la fin ? Je ne vois pas le rapport avec vos nuits blanches.

Clara avait discrètement posé sa main sur le bras de Jean-Aime afin de le calmer un peu.

Oh ! La piche ! Le trafic, Madame. Le trafic ! Ça roule là-bas. Un barouf, toutes les nuits ! Des allers et venues sans arrêt. Me demandez pas ce que ça transporte. Et les gardes, eux, ils avaient bien vu.

Mais pas tout rajouta Clara malicieuse !

            On n’est pas des « Cornes vertes »[5] Madame, faut pas essayer de nous la faire renchérit Jean-Aime !

            Le salut ici, c’est malheureux madame, c’est un bon cheval et… une arme dit la jeune cavalière, plaquant sa main sur sa hanche.

 

                                                                       *

 

Au Mazet, le policier stagiaire recueillit les confidences de la fille du garde qui lui fit part des inquiétudes exprimées par son père, quand à ce qui se passait dans le coin. Une circulation anormale la nuit, sur cette traverse de vigne. Et la disparition qui devait avoir un lien pensait-elle, les larmes aux yeux. Car son père avait sans aucun doute découvert le pot aux roses, le jour où il était venu porter le courrier du maire, aux Deux du cabanon. Et où, il avait assurément poussé sa visite, empreinte de curiosité, un peu plus loin avec son collègue. Et peut-être même, un peu trop loin !

Une intuition commune poussa les deux jeunes réunis à refaire le même chemin. Ils se rendirent à la somptueuse villa de Monsieur l’adjoint dans la pinède odorante toute proche. Le grand portail étant clos par un système d’alarme sophistiqué, la jeune fille autochtone entraina Jamel à travers les bosquets. Ils réussirent à pénétrer dans l’enceinte sans rencontrer personne. Prudemment, ils limitèrent leur intrusion au sous-sol de l’imposante bâtisse, somptueusement aménagée, avec un bassin intérieur d’eau de mer. Ils n’y trouvèrent malheureusement pas les gardes.

Mais à leur grande surprise, quatre requins s’y ébattaient. Deux requins léopards et deux requins marteaux.

Fort heureusement, lorsqu’éclata la fusillade, Jamel et la petite ne s’étaient pas dispersés. Ils s’apprêtaient à décamper après cette surprenante découverte, lorsque des tirs de carabines à pompe vinrent gicler sur les murs du bâtiment. Ils furent pris sous un feu croisé et la jeune fille resta un moment paralysée par l’irruption de l’horreur asphyxiante des assaillants. Deux tireurs, des pendards sans foi ni loi étaient embusqués avec des armes de guerre sur le palier. Des détonations arrivaient de toutes parts. En haut du Pech pelé tout proche et aux courbes caressantes, des gros cumulonimbus montaient dans la lumière du couchant. Le ciel s’ennuagea rapidement.

Jamel s’élança en criant les sommations d’usage, rectifia la trajectoire de sa course comme quelqu’un qui court sous la bise et n’eut pas d’autres solutions que de se mettre à l’abri derrière d’énormes soussouilles. La jeune fille le suivit une arme au poing. Ils ripostèrent à l’agression du feu en dirigeant leurs tirs vers les vitres de la véranda de la villa  qui volèrent en éclats. L’attaque sauvage ne dura pas plus de trois minutes, mais l’intensité de la mitraille fut telle qu’une impression de chaos régnait sur ce théâtre lorsque le fourgon de la gendarmerie appelé en renfort par Jamel fit son entrée toutes sirènes hurlantes. Les échanges de coups de feu nourris, la fumée, l’odeur de poudre, la violence des impacts de balles retentirent encore un moment dans la cour.

 

                                                                       *

 

L’inspecteur divisionnaire s’apprêtait à lancer une investigation d’envergure au retour du jeune policier et son faux air de ne pas y toucher. Les informations recueillies se recoupaient, mettant en lumière un faisceau de présomptions déterminant pouvant mener à des preuves, lorsque le maire et son adjoint jouant au petit shérif entrèrent dans son bureau sans crier gare. Elle sursauta.

J’ai été retenu plus longtemps que prévu par l’ouragan Maria à Roseau, sur l’île de la Dominique. Quel bordel !  Je suis le Maire et je vous prie de m’excuser…

Bonjour, Monsieur le Maire.

Bon, vous en êtes où avec mes gardes madame ? La plaisanterie a assez duré. Vous me les mettez au frigo les deux pintres[6] ?

Je crois bien avoir trouvé vos gardes, dit-elle en coupant brusquement le Maire dans son élan.

Ah bon ?... Formidable… Vivants ?

Ah ! Ça, je l’espère ! Mais vous tombez bien. Il y a une personne ici qui peut répondre mieux que moi à votre question.

Comment ? C’est quoi ce bazar ? Qu’est-ce que vous voulez dire..?

À ces mots, le visage pâle de l’adjoint s’empourpra. Il pensa : Au poker, ne fais jamais de tours de cartes aux gens avec qui tu joues …

 

 

                                                                       *

 

 

La suite ? Peuchère ! Ce n’est peut-être pas très - français ou très catholique - mais n’empêche que c’est comme cela que ça s’est passé, dans l’immense confusion du moment.

La suite, donc - après que le Maire se soit tourné désespérément vers son premier adjoint qui était à l’Ouest comme on dit, et « pas piqué des vers » en plus, (afin d’obtenir une réponse du genre « tirer les vers du nez » … qui ne venait pas) - a tellement était décrite selon plusieurs versions et commentée par ces requins de journalistes qui en avaient fait des choux gras, qu’il n’est pas nécessaire de ressasser ici d’avantage. Car ceci n’est pas très important, si ce n’est peut-être, la récupération des squales dans l’aquarium géant, par la présidente en personne de l’organisation Sea Shepherd.

Ce qui l’est plus par contre, pour l’heure, comme dit l’inspectrice, c’est de d’attarder à la fraîche, avec les deux gardes rescapés qui devisent gaiement avec Jamel et Jean-Aime sur le parvis terrasse de la mairie pendant que Brandon fait des risettes à sa maman et à la fille du garde.

S’attarder encore un peu avec Julie que l’on aperçoit par la fenêtre entrouverte du bureau rangeant tranquillement son cartable, sa mission accomplie. Une légère brise courtise la sérénité retrouvée… à Courrebise.

Pendant que la musique du générique de la vie, défile… lentement.

 

Lonesome cowboy, lonesome cowboy, you're a long long way from home[7]

Lonesome cowboy, lonesome cowboy, you've a long long way to roam

 

Cela est beaucoup plus important !

 

 

 

                                                                       The End

 

                                                                                                                                  Marc Daurargi

 

 

 

 

 

[1] (Cabanon, baracou, caselle, maset, baumas)

[2] De mauvais poil.

[3] Ni vu, ni connu.

[4] De l’argent.

[5] Désigne « le bleu.» Le naïf qui arrive à l’Ouest.

[6] Bon à rien.

[7] Cowboy solitaire, cowboy solitaire, vous êtes loin de chez vous.

  Cowboy solitaire, vous avez un long chemin à parcourir. L.Luke.

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